La première fois que je l’ai entendu, je pensais que c’était mon chat. Un frottement léger, juste sous mon lit. Il était minuit passé, et la maison était plongée dans un silence épais, le genre de silence qui rend chaque craquement de bois assourdissant. J’ai tendu la main, tâtonné le sol. Rien. Je me suis rendormi.
Le lendemain, le bruit est revenu. Plus distinct. Un grattement régulier, comme des ongles sur du bois. Pas de mon chat. Il dormait, roulé en boule sur le canapé. J’ai allumé la lampe de chevet. Le faisceau jaune a percé l’obscurité sous le lit. Poussière. Vieux magazines. Et puis, je l’ai vu. Juste au bord du matelas, là où la lumière s’estompe, une main. Pas une main humaine. Ses doigts étaient trop longs, trop fins, et ses ongles, si ce sont bien des ongles, étaient pointus et noirs, légèrement incurvés, comme des serres. Elle était blafarde, presque translucide, et immobile. Juste là.
Mon cœur a bondi dans ma poitrine. J’ai retenu mon souffle, les yeux fixés sur cette horreur. Un instant éternel. Puis, la main a disparu. Retirée avec une lenteur calculée, comme si elle savait que j’étais là, que je regardais. Je n’ai pas dormi cette nuit-là. J’ai passé le reste des heures dans mon salon, les lumières allumées, le cœur en miettes.
J’ai déplacé mon lit le jour suivant. Tiré, poussé, jusqu’à ce qu’il soit contre le mur opposé. Je me suis penché, lampe à la main, pour inspecter le dessous. Rien. Pas un signe, pas une marque. Le plancher était propre. Une hallucination ? Le stress ? Mais la nuit est tombée. Et avec elle, le silence. Et puis, le grattement a recommencé. Cette fois, ce n’était plus sous le lit. C’était sous le plancher. Juste sous mes pieds.
Le son semblait monter, traverser les lattes de bois. Plus proche. Plus fort. C’était un son patient, implacable. Un raclement, suivi d’un léger craquement. Puis un autre raclement. Et un autre craquement. Comme si quelque chose grimpait. J’ai sauté hors du lit, le corps tremblant. J’ai allumé toutes les lumières de la chambre. Les ombres ont dansé. Le bruit a continué. Chaque craquement du bois était une sensation physique, comme si mon corps était lui-même le sol qui cédait. J’ai reculé jusqu’à la porte, mon regard rivé sur le plancher.
Les lattes étaient intactes. Mais la vibration, la sensation de mouvement sous mes pieds était indéniable. Puis, une petite déchirure est apparue. Une fissure fine, juste à côté du pied de mon lit. Elle s’est étendue, un son sec et déchirant. Et de cette fissure, un doigt a émergé. Le même doigt blafard, aux ongles noirs et pointus. Il s’est tordu, puis un autre l’a suivi. Et un autre. Ce n’était pas une main. Ce n’était pas un bras. C’était plusieurs doigts qui perçaient le bois, se contorsionnant, cherchant une prise.
Le plancher gémissait, des éclats de bois volaient. J’ai hurlé. J’ai couru hors de la chambre, hors de la maison. Je n’ai pas regardé derrière moi. J’ai couru jusqu’à l’aube, jusqu’à ce que mes poumons brûlent. Je ne suis jamais retourné dans cette maison. Je dors maintenant à l’hôtel, la lumière allumée, mais la nuit, j’entends encore le grattement.
Et je sens le craquement des lattes de bois, juste sous moi. Parce que je sais que ce n’est pas sous le lit qu’il était. C’est dans le sol. Dans les murs. Dans la maison elle-même. Et maintenant, je me demande. S’il n’y avait pas de place sous mon lit… et si le sol ne suffisait pas… où va-t-il se frayer un chemin la prochaine fois ?